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Pour plus de respect du droit des personnes âgées

Source: United Nations Stabilization Mission in Haiti (MINUSTAH)
Date: 30 Sep 2008


Le 1er octobre rappelle la célébration de la Journée internationale des personnes âgées. En Haïti, cette tranche de la population est souvent abandonnée à elle-même. Assis à même le sol aux abords des rues, dans les principaux carrefours, seuls ou accompagnés de plus jeunes… les « granmoun » ont parfois la vie dure…

Les usagers de la route de Delmas, une des principales artères de la capitale, connaissent bien le visage de Henrilus Orilus. Son endroit de prédilection, le feu de signalisation à l'intersection de la route principale et Delmas 2. A 85 ans révolus, Henrilus doit visiblement sa survie à la clémence des automobilistes.

Veuf depuis déjà 18 ans, il n'a point de nouvelles de la plupart de ses nombreux enfants. Dans la masure qui lui sert de logement, vivent avec lui un fils handicapé qui ne peut travailler et sa petite fille. A son âge, c'est à lui que revient la charge de leur procurer de quoi se nourrir.

Henrilus confie son sort à la Providence. « J'ai souvent mal partout. Et lorsque qu'arrivent ces moments, je reste chez moi, ne pouvant plus bouger», témoigne, visiblement dépité, le vieil homme pour qui « c'est le Très Haut qui prend soin de moi ».

A l'instar d'Henrilus, ils sont nombreux ces hommes et femmes d'un âge avancé qui sont abandonnés à leur triste sort. Malades, handicapés ou tout simplement affaiblis, les personnes âgées, le plus souvent, vivent en marge de la société, oubliées des plus jeunes et même de leurs propres enfants.

Nombre d'entre eux sont placés dans des maisons de charité ou dans des asiles. « La situation des personnes âgées en Haïti est très mauvaise », explique le Dr Jeanne Philippe, psychiatre.

«Jadis, les personnes âgées étaient très respectées, mais les valeurs ont beaucoup changé. D'une part, ceux qui ont fait un peu d'économie et qui ne sont pas dans la rue, ne trouvent personne qui les aime suffisamment pour prendre soin d'eux comme il faut, et ce, même avec leur argent. D'autre part, les liens unissant paysans et citadins se sont altérés, et le vieux paysan se retrouve seul. En outre, il n'existe pas, en Haïti assez de structure de prise en charge des personnes âgées », poursuit la psychiatre.

A Port-au-Prince, l'Asile communal a certes pour vocation d'accueillir des vieillards en difficulté. Toutefois, cette institution étatique n'accueille que 90 personnes âgées, alors qu'elle a une capacité d'accueil de 150 personnes. Il fonctionne à partir des maigres moyens mis à sa disposition par la mairie.

En effet, l'asile communal de Port-au-Prince bénéficie d'une dotation de 45.000 gourdes (environ 5.500 dollars américains) par semaine. Ce montant doit couvrir l'ensemble des besoins de l'Asile, en particulier les soins de santé et la nourriture aux pensionnaires.

Les personnes hébergées au Centre ont droit à trois repas par jour. « Lorsque les ressources sont réduites ou les subventions arrivent en retard, ils mangent deux fois par jour », reconnaît Rubens Joseph, directeur du Centre.

Dans les autres villes, la situation des personnes âgées n'est guère meilleure. Au Cap-Haïtien (Nord), les vieillards qui ne sont pas dans leur famille, sont dans des asiles communaux ou vivent de mendicité. Faute de mieux, ils transforment en dortoir les places publiques ou les coins de rues. Et pendant le jour, ils prennent d'assaut les devantures des banques, hôtels, restaurants, églises, commerces ou marchés publics, en quête du moindre geste charitable.

À 80 ans, Ethilien Antonio mendie dans les rues du Cap-Haïtien. Ses cinq enfants sont tous morts. « Ils ont été tués par sorcellerie par mon frère qui m'a dépossédé de mes terres. Je n'ai plus rien », raconte-il.

Antonio déplore le fait de vivre de la charité et se plaint surtout de la brutalité dont il est souvent victime au dortoir quand il n'arrive pas à réunir les cinq gourdes demandées pour y passer la nuit. « J'ai honte de mener cette vie, vu mon âge avancé, mais à cause de ma situation financière limitée, je n'ai pas d'autre choix ».

L'accompagnement des personnes âgées est loin d'être suffisant en Haïti. Outre les asiles communaux, certaines structures du Ministère des Affaires Sociales ont pour vocation de venir en aide aux personnes du troisième âge, mais les moyens sont très faibles.

Parmi ces institutions, la Caisse d'Assistance Sociale (CAS), dont le budget est constitué de 1% prélevé sur les salaires des employés de la fonction publique. Elle accueille, dans son seul bureau établi dans la capitale, non seulement des vieillards mais aussi des personnes handicapées et autres démunis provenant des différentes régions du pays.

Autre institution soutenant des personnes âgées, est l'Office Nationale d'Assurance Vieillesse (ONA). Celle-ci a pour responsabilité de gérer la retraite des travailleurs du secteur formel privé. Cette assurance ne couvre que 7.5% de la population active.

« D'ici à 2015 nous espérons atteindre une couverture de 20% », indique le directeur de la sécurité sociale de l'ONA, Adolphe Guillaume. Pour cela, l'ONA compte établir certaines stratégies d'ouverture vis-à-vis des membres du secteur informel, comme l'ONA-Microcrédit. Des initiatives privées viennent aussi en aide aux personnes âgées. Le plus souvent, il s'agit d'œuvres de religieux, de missionnaires. Mais ces initiatives demeurent insuffisantes.

Une meilleure prise en charge des personnes âgées passe, on le sait, par une bonne politique gouvernementale. Mais au-delà de l'engagement politique, il convient d'espérer le retour à nombre de valeurs traditionnelles qui faisaient de la personne âgée un être respecté et chéri.

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