dimanche

Haiti : La POHDH plaide pour le respect des droits des sinistrés des récentes catastrophes naturelles

AlterPresse
vendredi 10 octobre 2008


Note de presse de la Plate-forme des Organisations Haïtiennes des Droits Humains


La Plate-forme des Organisations Haïtiennes des Droits Humains renouvelle ses sympathies aux nombreuses victimes des cyclones Fay, Hanna, Gustave et Ike. Elle constate avec amertume la répétition des erreurs et des défaillances qu’elle avait dénoncées et condamnées vigoureusement après le passage du cyclone Jeanne en 2004, dans son rapport intitulé : « Impact de l’assistance humanitaire aux Gonaives suite au cyclone Jeanne, au regard des Droits Humains fondamentaux. »

Nos dirigeants et nos dirigeantes agissent comme s’ils/elles ne sont pas capables de tirer les leçons du passé. Ce qui se passe actuellement dans le département de l’Artibonite et dans d’autres endroits du pays, a un parfum de déjà vu. Du passage du cyclone Jeanne en 2004 à cette série de 4 catastrophes qui se sont successivement abattues sur le pays, rien ou presque n’a été fait. Le passage de ces quatre cyclones a occasionné des pertes considérables en vie humaine, en outre des têtes de bétail sont emportées, des maisons sont endommagées et détruites, des jardins dévastés, des épidémies déclarées, les voies et moyens de communication sont endommagés, des populations entières isolées, de petites économies complètement décapitalisées, des milliers de personnes réduites à l’assistanat voire à la mendicité, des milliers d’enfants qui ne pourront plus aller à l’école, et au bout du compte des droits humains bafoués davantage. Les dernières statistiques font états d’environs 1.000 morts.

Rien ne manque à ce scénario macabre. Des opérations de levée de fonds en faveur des victimes sont organisées un peu partout, ici comme dans la diaspora haïtienne, des suspicions plus ou moins fondées pèsent sur certains organisateurs. L’affluence de l’aide internationale attendue s’est raréfiée cette fois. Les mécanismes de distribution de l’aide sont défaillants. Les centres de distribution ne sont pas toujours placés à proximité de la plupart des victimes. Les pauvres paysans sont forcés de marcher des kilomètres avant d’atteindre un centre de distribution, d’où ils repartent bredouille la plupart du temps. On s’en plaint, on dénonce cette situation. Certaines personnalités publiques disent, et avec raison, avoir observé la vente dans les marchés publics les produits de l’aide destinés aux victimes. Quelle catastrophe !

Sur le plan environnemental, les dangers demeurent. Certains des grands ouvrages annoncés en 2004 n’ont pas vu le jour. Les travaux entamés n’ont pas permis de limiter l’ampleur des dégâts.

Face à tant de morts enregistrés, on pourrait croire que les structures étatiques comme le Secrétariat Permanent de Gestion des Risques et Désastres (SPGRD), le Comité Thématique ‘’Système d’Alertes Précoces’’ et le Bureau de la Protection Civile (BPC) n’ont pas pu déclencher au moment opportun les opérations de prévention relevant de leurs compétences, ni n’ont pas su adopter les mesures rectificatrices appropriées. Il est indéniable que leurs efforts ont permis de sauver des vies humaines en plaçant des milliers de personnes dans des abris provisoires, mais le spectacle aux Gonaïves des familles trouvant refuge sur les toits des maisons est par lui-même éloquent. N’y a t-il pas lieu de les déplacer avant que leur vie ne soit en danger ?

Les citoyens et les citoyennes veulent croire à l’efficacité des structures étatiques surtout en ce qui a trait à l’information, à la prévention et à l’intervention en matière de gestion des risques et désastres. Déjà fragilisés par l’extrême pauvreté, le paysannat, la classe ouvrière, la jeunesse, les hommes et les femmes au chômage chronique, les petits marchands et marchandes du secteur informel, tous ceux et toutes celles dont les conditions de vie sont précaires attendent de l’Etat les réponses à leurs problèmes quotidiens. Tous sont victimes, non seulement des méfaits des cyclones mais aussi de la gestion inefficiente des affaires publiques, de la non garantie des Droits fondamentaux, conformément à la constitution Haïtienne en vigueur en son article 19, à l’article 25 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du protocole de San Salvador de l’OEA, en ses articles 9, 10, 11 et 12.

Dans son immense étude intitulée ‘’Impact’’ publiée en juillet 2005, la POHDH avait fait des recommandations claires en vue de réduire de façon substantielle les conséquences désastreuses des catastrophes naturelles sur la vie de la population. Aujourd’hui encore, face aux dangers post-désastres qui planent sur la vie des couches les plus vulnérables, victimes de la non effectivité des DESC, la POHDH, tout en réitérant son ferme engagement à lutter pour le respect des droits de la population, attire l’attention des responsables de l’Etat sur :

La mauvaise distribution de l’aide humanitaire dans le pays, notamment aux Gonaïves ;

La corruption dans les circuits de distribution ;

Les personnes placées dans les abris provisoires qui ne sont pas dignement traitées ;

Les risques de propagation des épidémies ;

L’extrême vulnérabilité des personnes déplacées.

Cette situation crée des conditions pour des violations graves des droits de la personne. La POHDH fait aux autorités compétentes les recommandations suivantes :

Prendre toutes les mesures nécessaires pour que l’aide humanitaire nationale et internationale arrive aux vrais destinataires ;

S’assurer que les personnes sinistrées soient traitées dans le respect de leurs droits et dans la dignité au nom du Droit International Humanitaire ;

S’assurer que dans sa gestion d’urgence, les droits des citoyens et citoyennes ne soient pas violés ;

S’assurer que les mécanismes mis en place en la matière soient opérationnels, efficients ;

Prendre des mesures pour recapitaliser de manière équitable les petites économies anéanties en mettant en place des mécanismes adéquats et fiables ;

Relancer de concert avec les paysans les productions agricole et animale ;

Intervenir sur le marché pour corriger les dérives de la hausse des prix des produits de première nécessité ;

D’accorder une grande attention aux problèmes environnementaux,

De ne pas politiser l’aide, ni en profiter pour se faire du capital politique.

Pour la POHDH :

Marc-Arthur FILS AIME, Coordonnateur Général

Antonal MORTIME, Secrétaire Exécutif

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