dimanche

Haïti : L'île du chaos

http://afrique.kongotimes.info/
De Thomas Dandois, Pierre Creisson et Yves-Sébastien Camicas - ARTE GEIE
Sat, 11 Oct 2008 17:43:00


Début septembre 2008. En quelques jours, Haïti est ravagée par trois cyclones et une tempête tropicale. Les dégâts sont énormes. La moitié de la ville des Gonaïves au Nord se retrouve inondée. De puissants torrents d’eau et de boue laissent derrière eux des ruines et des populations désespérées. 500 personnes sont mortes, noyées ou étouffées.


Cinq jours après le passage du dernier cyclone, des quartiers entiers n’ont toujours pas reçu la moindre aide alimentaire. Des foules affamées se ruent vers le moindre sac de riz avarié retrouvé dans un hangar inondé. Les premières distributions alimentaires des Nations Unies virent à l’émeute. Les vieillards, les femmes enceintes et les personnes les plus vulnérables se font voler leur ration par des hommes plus forts. Oubliée, la solidarité. L’instinct de survie et la faim prennent le dessus.

Dans cette détresse absolue, Céliphane, une jeune femme de 22 ans, tente de survivre tant bien que mal avec son frère et son enfant. L’eau montait toujours plus haut, toujours plus vite. Réfugiée sur son toit pendant plusieurs jours, dix fois, elle s’est vue mourir dans la catastrophe.

De l’aide alimentaire distribué par les ONG, elle n’a pas reçu une miette. Plus d’une semaine après le désastre, son quartier est encore prisonnier des eaux. Les camions ne peuvent pas atteindre la zone. Alors, elle tente sa chance à l’autre bout de la ville pour récupérer un sac de riz, un gâteau ou un peu d’huile. Des heures sous un soleil de plomb, parmi la foule au ventre vide. Chaque fois, c’est la même chose : elle rentre chez elle, de l’air dans les mains. Pour se nourrir, elle ne peut compter sur la solidarité des voisins. Ensemble, ils rassemblent quelques pièces pour acheter à peine de quoi survivre sur un marché où les prix ont encore augmenté de 30% depuis la catastrophe.

Haïti est décidément une île maudite ou presque. Elle comptait déjà parmi les Etats les plus pauvres du monde, avant le déchaînement climatique. Depuis plusieurs décennies, le pays vit sous perfusion économique grâce à l’aide internationale et de l’importation. En avril dernier, l’île a subi de plein fouet les effets de la crise alimentaire mondiale. Sur les marchés, le prix du riz, du maïs ou de la pomme de terre a grimpé en flèche. En quelques mois, l’inflation a doublé, la faible croissance économique s’est arrêtée net. Dans les rues de Port au Prince, des manifestations de colère contre la vie chère ont basculé en émeutes de la faim. Plus que jamais, les habitants se tournent vers les galettes de boue pour se nourrir. Avec un peu de sel, du beurre et de l’argile, ils confectionnent d’insipides biscuits secs aux airs de cendrier en terre cuite pour tromper la faim…

Ailleurs sur l’île, dans les campagnes, une situation résume le drame d’Haïti à elle seule. Un homme équipé d’une machette coupe des arbustes pour les faire brûler et récupérer du charbon. En 1998, Haïti comptait encore 20% de forêt et moins de 2% aujourd’hui. La déforestation favorise les inondations. L’eau et la boue appauvrissent toujours plus les familles. Alors, les hommes déboisent toujours plus pour gagner de quoi survivre. C’est l’engrenage infernal. Le cercle vicieux d’Haïti, la terre du chaos.

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