lundi

Haïti : survivre au détriment des Droits de l’Homme

HPN
Posté le 8 septembre 2008


La précarité et la misère poussent plus d’un à survivre, à se débrouiller comme on dit ici, au risque de violer les droits les plus élémentaires comme jouir d’un peu de tranquillité…


Par Jonas Laurince

A la rue Christophe, dans un quartier paisible de Port-au-Prince, un temple évangéliste est plein à craquer. Dans un concert de musique de louanges alliant Konpa (musique typiquement haïtienne) au reggae, les fidèles chantent à gorge déployée. Tout près, se dressent des écoles et deux facultés de l’Université d’Etat d’Haïti. « Ces chrétiens semblent ignorer qu’ils nous dérangent avec tous leurs chants et cris de détresse à Dieu», maugrée un étudiant qui essaie de se concentrer.

Cette saute d’humeur est monnaie courante dans un pays où on ne se soucie guère de la tranquillité des gens. Il arrive même que des gens soient privés de sommeil. Que faire quand la maison d’une voisine ou un temple protestant ou vodou abrite une veillée avec concerts de tambours, applaudissements et cris assourdissants.

Chose certaine, personne n’est en mesure d’arrêter une telle dérive. Une chrétienne qui, la veille, avait organisé chez elle une veillée pendant toute une nuit, s’est montrée très agressive envers ses voisins qui lui demandaient de bien vouloir baisser le ton. « Jésus m’a donné ma maison, réplique-t-elle, j’ai le droit de lui rendre gloire. » Cette croyante est restée ferme sur ses positions, même si l’un de ses voisins lui a rétorqué que « Jésus lui a donné sa maison, mais pas le quartier ! »

Les adeptes du vodou et les DJs nuisent aussi à la paix et la tranquillité des gens. De nombreux night clubs se situant à proximité des quartiers résidentiels, les haut-parleurs tonitruants empêchent les citadins de dormir. « Nous faisons de la musique pour vivre», rétorque un musicien, manifestement peu préoccupé par le manque de sommeil des voisins.

« Les gens ne se soucient pas de la tranquillité d’autrui, pourvu que leurs désirs soient satisfaits et qu’ils en tirent profit économiquement », commente, les yeux rougis, un homme habitant près d’un night club.

Monter dans un tap-tap peut révéler tout aussi traumatisant. Des milliers de Port-au-Princiens en font chaque jour la pénible expérience : les décibels crachés par les haut-parleurs installés dans l’étroit habitacle empêchent carrément les passagers de communiquer avec leurs voisins ou encore de répondre à leur portable.

Même scène dans les rues des grandes villes du pays, où le bruit des génératrices s’ajoute à celui des milliers de véhicule dégageant des fumées nauséabondes, enlevant à tous le simple droit de respirer.

Parler de droits humains en Haïti reste une affaire « politique » puisque l’on en parle uniquement en rapport avec les conditions des détenus, des enfants en domesticité, ou encore le traitement inhumain infligé aux braseros haïtiens dans les bateys dominicains. Rarement, sinon jamais, parle-t-on de ce qui intéresse les Haïtiennes et les Haïtiens au quotidien, à savoir le droit à la santé, à la tranquillité, etc.

Misère, analphabétisme, ignorance, … sont les facteurs qui, outre le problème de la faim, poussent l’Haïtien à violer – parfois sans même le savoir – les droits d’autrui pour pouvoir survivre dans un pays où les lois n’existent que sur du papier ou encore dans l’esprit des gens, référence aux « loas » du vodou haïtien.

Aucun commentaire: