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Le téléthon de l'AGERCA ou la séduction pernicieuse ?

Écrit par Agr Michel William
Haiti impact / 22-09-2008


A l’Initiative du secteur Privé et de la presse de Port-au-Prince un téléthon a été organisé au Parc historique de la Canne à Sucre en signe de solidarité avec les sinistrés des cyclones Gustave, FAY, Hanna et IKE qui ont provoqué un désastre naturel dans un pays vulnérable et dans une société vulnérable.

Les mots sont bien pesés car il y a désastre naturel quand des évènements naturels Séisme, cyclone, inondation provoquent des pertes en vies humaines et des dégâts économiques considérables dans une zone vulnérable.

Le désastre est qualifié d’humain quand les événements qui occasionnent ces pertes dans les couches vulnérables et non vulnérables de la société sont provoqués par l’homme dans sa quête de richesse, de grandeur ou de pouvoir en leurrant la population.



A première vue, il semblerait que dans le désastre d’Haïti du mois de septembre 2008 il y aurait un peu des deux : Evénements naturels et interventions humaines eu égard à l’insouciance des élites dirigeantes chargées de la mission historique de façonner la vie politique et économique du pays. Evènements naturels, parce que chaque année on sait que Haïti est menacée par les cyclones qui prennent naissance dans l’océan Atlantique et dans la mer des Antilles. Ce phénomène naturel nous expose chaque année à ce genre de catastrophe naturel.


Interventions humaines, oui, lorsque l’on sait que Haïti est frappée chaque année par des événements naturels liés au changement climatique, il est hors de question qu’à chaque cyclone et année après année, la population soit victime des mêmes causes sans que au niveau de l’élite des mesures de prévention des risques soient étudiées et prises pour protéger les sociétés vulnérables et non vulnérables.



On sait aussi à priori que le but ultime des actions de chaque haïtien dans l’Haïti de Dessalines de 1804 à nos jours est l’appât du gain immédiat, sans se soucier des impacts positifs ou négatifs de leurs actions sur l’environnement.Toutes les fortunes des gens plus ou moins aisées ont été amassées soit dans des projets de trompe œil, soit dans l’exploitation éhontée des ressources naturelles , SHADA, Reynold mining, SEDREN, carrières de Laboule, Sciure de forêt des pins, soit dans des combines politiques de formation de société bidons, de vente des haïtiens en république dominicaine, de privatisation et de liquidation des entreprises d’Etat ou depuis vingt ans dans l‘industrie hideuse des ONGs sous les yeux passifs de l’Etat haïtien.


C’est le ministère de la Planification et de la Coopération Externe avec la Direction UCAONG, placée pour contrôler l’action des ONGs, qui a déclaré en la personne de son titulaire reconduit , et je cite, « Le pays compte 4000 ONGs dont 420 seulement sont enregistrées au MPCE. Tout le monde s’empresse de dénoncer l’irresponsabilité du titulaire de ce ministère qui au lieu de prendre les mesures pour contrôler cet état de fait, se contente à l’égal du simple citoyen de constater l’accros. Dans mon analyse de la déclaration du ministre, j’ai plutôt vu une expression de raz le bol des ONGs par le ministère qui ne peut pas bouger sous la pression du gouvernement invisible et réelle de la communauté internationale qui ne vit et respire que par les ONGs.


C’est dans ce contexte général d’insatisfaction de l’Etat et de menace de destruction d’une bonne partie du territoire par le cyclones qu’est née l’AGERCA et qui, le dimanche 14 septembre 2008 a fait sur la scène médiatique haïtienne une entrée politique spectaculaire en lançant le téléthon en faveur des sinistrés d’Haïti des quatre cyclones Gustave, FAY, HANNA et IKE. Pour un coup audacieux et intelligent conçu sur l’autel des victimes d’un désastre naturel et humain, c’en est un parce que la journée du TELETHON a mobilisé le fleuron de la classe politique haïtienne la présidence, la primature et le cabinet ministériel d’une part, la crème de la bourgeoisie haïtienne commissionnaire, le gratin de la technologie de l’information et de la communication à travers les compagnies de téléphone mobile et l’échantillon représentatif des ONGs : (Centre Développement et Santé) le CDS, le Food For The POOR.et le PADF.


De fait, l’AGERCA n’est autre que le coup audacieux de trois ONG majeures qui commettraient des délits d’initiés quant à l’éventuelle déclaration de l’Etat de siège du pays par le président de la république et sachant que toute l’aide de la communauté internationale consécutive à l’Etat d’Urgence transitera par les ONGs, aurait lancé l’opération médiatique du téléthon. L’objectif final : Positionner et renforcer l’emprise des ONGs sur le pays.


Le téléthon est interprété différemment. Ceux la qui sont en faveur du courant des ONGs et qui profitent de ONGs, oubliant les résultats malheureux de la gestion de l’aide par les ONGs depuis le passage des Cyclones George, Allen, Jeanne, Noel à Fond Verettes, aux Gonaives, à la Croix des Bouquets ont vite fait d’évoquer le sentiment d’unité et de solidarité qui doit caractériser tous les haïtiens dans ces moments douloureux de la vie nationale. Ils demandent aux haïtiens de voir le verre à moitié plein et de faire taire leurs sentiments haineux au profit d’autres idées plus positives en la circonstance.


D’autres groupes issus de la frange politique du pouvoir législatif, sachant que la gestion de l’aide par les ONG les privera de la possibilité de faire du capital politique s’empressent de confondre secteur privé et ONG et de critiquer non sans raison la présence du secteur privé dans l’AGERCA qui une fois encore, au lieu de profiter de l’opportunité offerte par ce désastre humanitaire pour proposer à la nation des plans de reconstruction nationale de maisons anti inondation, anti cyclone à bon marché dans les zones sinistrées, préfère se réfugier dans l’humanitaire qui depuis plus de vingt ans n’a apporté au pays que déboires et déceptions.


Enfin d’autres pensent que le téléthon est un acte astucieux soigneusement étudié par le secteur privé en la personne de son représentant le plus visible, le Dr Reginald Boulos, qui a voulu prendre de vitesse le secteur intellectuel du pays qui n’hésiterait pas à l’accuser de formaliste et d’opportuniste, sans avoir des propositions crédibles à faire au gouvernement et dans lesquelles son secteur serait le premier à en faire fortune.


Loin de se faire piégé le gouvernement a joué le jeu en rehaussant de par sa visite la portée politique du téléthon. Les trois ONGs CDS, FOOD FOR THE POOR, et PADF ont gagné la première manche faisant du sort des victimes un jeu médiatique de qui perd gagne. La deuxième manche est la gestion de l’aide. Qui va la gagner ? L’ambassadeur français a donné le signal en disant que l’aide va passer par les ONG. La FAO qui avait obtenu du FIDA un décaissement de plus value de dix millions de dollars US sur les projets PICV2 et PAIP, entrent directement dans l’exécution de projets agricoles sans lendemain en distribuant des intrants qui compromettent le devenir de la culture de la patate ou de la banane. Les Nations Unies organisent une levée de fonds de 107 millions de dollars qui seront dépensées à travers les ONGs dont tout le monde prévoit les résultats négatifs.


Un chroniqueur économique et sportif bien connu de la place à « l’émission Pi loin pi fon » du dimanche 21 septembre 2008 de Radio Vision 2000, a essayé de mettre tout son talent pour défendre le secteur des ONGs en expliquant à l’animatrice de l’émission et aux auditeurs non prévenus, qu’il faut remonter au temps des Duvalier pour expliquer la corruption en vigueur dans l’administration publique et se rappeler que l’option des ONGs était exactement pour remédier à cet état de chose. Le chroniqueur, en tant que chantre des ONGs n’a pas voulu dire que les ONGs, dans leur essence étaient des structures temporaires appelées à disparaître au fur et à mesure que l’état se ressaisissait.


Le chroniqueur a volontairement et délibérément ignoré l’entrée en force des ONGs dans les gouvernements des années 90 qui ont organisé une structure de pouvoir, mettant en veilleuse pendant vingt années les lois organiques des ministères et ont gouverné avec de simples ordres de bureau. Ils ont transformé les ministères et agences autonomes en leur chasse gardée. Acculé par la mitraille de l’Animatrice, notre chroniqueur finalement a cédé en reconnaissant que le blanc en passant par les ONGs ne se soucie pas des résultats obtenus mais plutôt de la gestion des fonds donnés. Peut-on en toute décence avoir le culot de reconnaître que les ONGs dans leur état actuel de fonctionnement sont incontournables ?


Les ONGs sont devenues à la fois des structures étatiques et privées qui sont aux affaires et dans le privé et qui reçoivent presque toute l’aide internationale. En fait il y a une grande différence entre les ONGs d’aujourd’hui et celles existant au temps des Duvalier. Hier l’Etat volait et était identifié. Dans l’Etat d’aujourd’hui, encore plus faible que hier et pétri d’ONGs, il est difficile de différencier l’Etat des ONGs qui continuent de bénéficier des largesses de la communauté internationale sans produire de résultats.



Le téléthon de l’AGERCA a été une tentative de retour en force et de blanchiment des ONGs âprement critiquées par la nation haïtienne dans la gestion de l’aide aux sinistrés des zones vulnérables. L’AGERCA a réussi le premier round. Mais rira bien qui rira le dernier. En fin de semaine des containers d’aide reçus par l’ONG Food For the Poor ont été transformés en Food For the Rich ; vendus à des commerçants de Carrefour par un chauffeur de l’ONG. Est-ce un miracle de Dieu ou le contre à rebours de la Nature qui veut se venger du coup audacieux de l’AGERCA en frappant durement l’une de ses composantes l’ONG Food for The Poor. Toujours est-il, la presse haïtienne, trop enclin à s’associer aux opérations de poker a été le dindon d’une farce astucieusement conduite par des hommes qui savent se faire passer pour maitre dans l’art de séduire....



Agr Michel William

Email : haiti@haitiimpact.com

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