samedi

Haïti : une merveilleuse solidarité fraternelle

Ouest-France.fr
Editorial
samedi 27 septembre 2008

par François Régis Hutin

Haïti : 500 morts, 650 000 sinistrés dont la moitié sont des enfants, c'est-à-dire 300 000 gosses n'ayant plus rien que leur fragile vie. Voilà les dégâts humains provoqués par les derniers cyclones.

Haïti - déjà l'un des pays les plus pauvres de la planète - a été frappé de nouveau. Chaque fois, la tornade qui survient est plus dévastatrice et plus encore qu'ailleurs. Pourquoi ? Pour une raison simplement mécanique : plus rien n'arrête le vent ni l'eau. En effet, le déboisement est quasiment total. Seulement 2 % du pays bénéficie encore d'une faible couverture forestière. La terre végétale est alors immédiatement emportée par les pluies torrentielles. Huit départements sur les dix sont inondés. Le sol est lavé, la roche mise à nu. On n'avait jamais vu cela poussé à ce point. Sur les mornes pelés, c'est-à-dire les petites montagnes, les paysans doivent pourtant continuer à vivre, car ils redoutent d'émigrer vers les bidonvilles où règnent le racket, l'immoralité, la faim.

« L'insécurité foncière, l'absence de réel soutien à l'agriculture paysanne avec ses familles très nombreuses ont poussé les paysans à travailler la terre pour en tirer le maximum. Trop préoccupés par la survie à très court terme, ils ont négligé la conservation de la fertilité des sols, son amélioration ainsi que le reboisement », nous écrit-on de là-bas. « Dans ces conditions, ajoutent nos interlocuteurs, la reconstitution de la fertilité des sols est une priorité absolue, afin qu'ils puissent vivre dignement de leur travail et échapper à l'exode rural. Le reboisement est nécessaire, mais ce n'est pas encore une priorité de l'État haïtien. Heureusement, depuis déjà plusieurs dizaines d'années, l'ONG allemande Misereor, en lien avec le Secours catholique, le CCFD et d'autres associations, soutient des petites exploitations familiales qui pratiquent une autre agriculture, l'agroécologie (1). On sait aujourd'hui que c'est par celles-ci que passera la résolution du problème de la faim. Cette agriculture familiale, en effet, est la seule qui puisse rapidement doubler ou tripler les rendements sans engager de moyens mécaniques ou phytosanitaires, lourds et trop coûteux pour être utilisés partout. »

Soutenir l'effort des paysans


L'agroécologie consiste d'abord à protéger la terre contre l'érosion, à la nourrir, à fixer le sol par la plantation de légumineuses utiles comme aliments, comme fourrage et comme engrais, et à planter toutes sortes d'arbustes et d'arbres. Pour lutter contre la faim, un programme d'aide technique soutient les dix-neuf associations haïtiennes de développement rural qui diffusent l'agroécologie.

Par ailleurs, pour améliorer les revenus paysans, une de ces ONG conçoit, avec les paysans, des outils simples et efficaces de transformation des denrées agricoles qui sont construits sur place. Ces expériences, qui combinent l'agriculture et les micro-industries de transformation des produits, font progresser l'ensemble.

Les associations en question financent directement ou par microcrédits, accessibles à plusieurs familles, des petits ateliers de transformation des produits de base. Les paysans peuvent alors valoriser eux-mêmes leur manioc, leur canne à sucre, leur maïs, etc. avant de les vendre. Déjà 10 000 familles sont concernées par ce travail d'agroécologie.

Pour que ces techniques se répandent, les paysans doivent se rencontrer, visiter les exploitations familiales pilotes. Tout cela devient vite coûteux dans un pays où aucune infrastructure ne fonctionne correctement.

Il s'agit donc, en priorité, d'aider les paysans haïtiens à éviter de nouveaux départs vers la ville et à empêcher ainsi l'accroissement des bidonvilles et de la misère urbaine.

C'est à ce programme qu'Ouest-France Solidarité affectera vos dons, en priorité. La tâche, vous le voyez, est immense, mais indispensable. En effet, si les terres sont reboisées et mieux protégées, il y aura moins d'inondations, plus de sources de travail et de nourriture. Nous essaierons d'aider ceux qui, sur place, affrontent ces défis dans toute la mesure de nos possibilités, de vos possibilités. Déjà, de nombreux dons nous sont parvenus. Il faut continuer cet effort qui démontre une merveilleuse solidarité fraternelle.

(1) Le terme agroécologie est utilisé par les dix-neuf institutions membres de la plateforme agroécologique (Paded).

François Régis Hutin

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