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Les "héritiers de Duvalier", une classe au pouvoir en Haïti

Anarkismo.net
Wednesday July 30, 2008 19:23 by Elsie Haas - Elsie Blog

Comme vous n’êtes pas sans le savoir, lecteurs haïtiens et d'ailleurs, nous avons eu récemment, une nouvelle offensive des Duvaliéristes et « héritiers du duvaliérisme » qui cette fois-ci ont recruté non seulement des étudiants, comme ils en avaient l’habitude mais des zen-tellectuels, mondialisation oblige de « haut calibre », pour divulguer le slogan « Aristide c’est pire que Duvalier ».
Et ainsi, faire passer le retour des forces répressives et mortifères (Guy Phillipe, Chamblain, etc) comme un progrès.

Cette propagande a été absolument dévastatrice et a eu pour résultat non seulement le retour des éléments les + réactionnaires au pouvoir avec Latortue, et toujours omniprésents sous Préval, mais plus grave encore cette désinformation a autorisé, légitimé, une répression sauvage des minuscules milieux progressistes, assimilés à tort ou à raison à Aristide.

Un exemple de l’efficacité de cette campagne mensongère :
A une manifestation culturelle haïtienne, un étudiant qui se présente comme un des leaders de la lutte anti-Aristide, déclare :
« Oui Aristide est pire que Duvalier parce qu’au moins Duvalier n’a jamais tué d’intellectuels »

Mes amis, je vous répète mot pour mot les paroles de ce "chef" des étudiants luttant pour la démocratie vivant aujourd'hui à Paris.

Ces aberrations sont légion et pourraient relever du domaine folklorique et faire partie de la rubrique les « Comédiens » de ce blog.

On pourrait se contenter de rire de cette stupidité.

Cependant cette stupidité quand elle est suggérée et légitimée par les déclarations de personnes reconnues comme têtes pensantes de l’intelligentsia haïtienne sort du cadre de la « blague » et rentre dans le domaine inquiétant de la révision de l’histoire qui autorise les pires dérives comme celles auxquelles on assiste aujourd’hui.

Aujourd’hui, Haïti, avec l’aide du Venezuela ou pas, avec celle des Cubains ou pas , avec l'aide de l'International ou pas, avec celle des ONG ou pas, est revenue aux années de la dictature des Duvalier papa et bébé.

En vrac : répression contre le peuple, police ultra corrompue, appauvrissement de la majorité, enrichissement des riches, utilisation du kidnapping en remplacement des macoutes pour installer la peur dans toutes les couches sociales, bâillonnement de toutes les forces progressistes, embrigadement des zen-tellectuels, devenus des vrais chiens de garde du statu quo.


Un embrigadement qui a montré son efficacité avec le tsunami d’appels favorables à la nomination de Mme Michèle Pierre-Louis au poste de Premier ministre, selon le modèle déjà utilisé en 2003/ 2004 pour appeler à boycotter le bicentenaire et à faire tomber Aristide.

C’est-à-dire que ce n’est pas compte tenu d’un programme politique que Mme Duvivier Pierre–Louis est plébiscitée, mais comme dans le cas d’Aristide, par rapport à des supposés traits de caractère, « un lotus », un « trésor national vivant », etc. une sorte de crême des crêmes qui "mérite" d'être là. Point final.

La classe politique et l'intelligentsia haïtienne est, à mon avis, immature parce qu'héritière du duvaliérisme.

C'est à dire d'un nationalisme de pacotille qui n'hésite pas, par exemple, à brader la commémoration du bicentenaire de son Indépendance.

(D'ailleurs en passant notez bien que les parents et les grands-parents de Duvalier n'étaient pas Haïtiens )

D'une bêtise enracinée déguisée sous le vocable fourre-tout de "pragmatisme";

Il suffit de relire "Les Comédiens " de Graham Greene pour prendre l'ampleur de cette mascarade jouée par des hommes et des femmes aux visages austères, au regard dissimulé derrière des lunettes noires et aux flingues à la ceinture.

Ces "héritiers de Duvalier" actuellement au pouvoir il faut comprendre qui ils sont, d'où ils viennent et quelles sont leurs références politiques, morales, intellectuelles.

C’est pourquoi, je vous propose si vous n’avez pas eu l’occasion de lire, le livre de Martin-Luc Bonnardot, Gilles Danroc, d’en consulter ces quelques pages accompagnées de photos vraiment remarquables de Jean- Claude Patacini.

Vous constaterez rapidement que le mouvement de 2003/ 2004 a été conçu comme une sorte de photocopie de celui de 1985/1986 qui a fait chuter Duvalier afin de mieux encore faire croire à une similitude des régimes.

Mais quand on prend connaissance des écrits des jeunes étudiants et collégiens de 1985/86 et qu’on les met en parallèle avec les productions de ceux de 2003/2004, on se rend vite compte qu’il n’y a pas photo.

Et que dans le cas de 2003/2004, il s’agit d’un faux, d’un plagiat.

Les extraits proposés ici pour rafraîchir la mémoire des nostalgiques du « bon et dévoué docteur » célébré par l’éditorialiste du journal de Boulos, Le Matin, frappé d’un Alzheimer « choisi » comme bon nombre de ceux de sa génération.

Je sais, je sais, ils diront de leur ton doctoral de fond de gorge: « Mais Madame, c’est ça la démocratie , chacun a le droit de choisir son Alzheimer. »

Certes.




La chute de la maison Duvalier : 28 novembre 1985-7 février 1986
de Martin-Luc Bonnardot, Gilles Danroc - 1989 - Haiti Politics and government 1971-1986


EXTRAITS :


Etouffement

Transposition à la ville et adaptation du système de réunion du milieu rural, les associations étaient, avant 1960, nombreuses, actives, organisées. Sociétés avec leurs dignitaires, leurs règles, elles étaient pour la petite bourgeoisie le point de rencontre de deux cultures. Quel que soit l’objet de ces associations, histoire, jeux, sport, musique, danse, c’étaient des lieux de création, d’échange culturel et, bien entendu, de discussion politique. Interdisant les réunions, infiltrant le milieu étudiant, semant la terreur avec les premières bandes de miliciens en 1962, François Duvalier fit mourir d’étouffement toutes les associations. Elles ne trouvèrent jusqu’en janvier 1986 aucune occasion de revivre….
La libéralisation partielle consécutive à l’arrivé de Jean-Claude Duvalier au pouvoir permit de reprendre un rythme de rencontres dont personne n’avait perdu le goût. Mais, le tissu des relations et le réseau culturel étant détruit, les réunions se firent autour d’un verre d’alcool, d’une partie de dominos, sans aucune création. »

P. 127
« Le pouvoir utilisait aussi de nombreux « espions ». Hantise des groupes organisés et des églises progressistes, ceux-ci sont recrutés parmi les étudiants et les lycéens, soit par l’armée et le ministère de l’Intérieur ( à travers le SD) soit directement, par de « gros macoutes » ou des personnages importants, ministres, députés… Certains espions les « macoutes du palais », présents dans tous les milieux et toutes les administrations informaient directement le chef du cabinet militaire du président. En général discrets sur leurs activités, ils en tiraient des gratifications plutôt qu’un pouvoir.

Le quadrillage des bidonvilles et de la ville

Les bidonvilles sont surveillés par plusieurs réseaux : les macoutes, les espions, l’armée, les Eglises et « œuvres humanitaires ». Un personnage important de ce système est le « commandant »…. La terreur qu’il inspire est liée à sa référence au pouvoir et à la mémoire des actes de celui-ci. En effet, François Duvalier n’avait pas hésiter à faire brûler le quartier de la Saline et à y envoyer les bulldozers, Franck Romain, maire de Port-au-Prince, organise depuis 1982 l’encloisonnement de ces quartiers.

Les quartiers riches, ceux de la petite bourgeoisie, sont eux aussi sous « haute surveillance ». Un phénomène tout d’abord permet de les déstabiliser : la tolérance ou l’édification d’habitats précaires entre les belles demeures. Logement de domestiques devenus abris de familles en transit, terrains non bâtis, jardins de mulâtres exilés squatterisés, des îlots de pauvreté se développent dans ce qui était avant 1960, les beaux quartiers. Le manque total de plan d’urbanisme permet toutes les inventions… Les marchands de surettes installés à la sortie d’une école, d’une administration ou devant une belle maison ne vivent pas forcément de la vente au détail de biscuit, bonbons ou cigarettes ; marchands ambulants, ils peuvent simplement chercher à survivre avec ces emplois précaires, mais aussi être des agents du SD.
La dictature réussit à faire surveiller les pauvres par les pauvres et les riches par les pauvres, à peu de frais.

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