samedi

Absurdité haïtienne

Le Nouvelliste / 12 Septembre 2008

Les pieds dans le plat

Le mépris affiché par l'État haïtien pour les citoyens est quelque chose de phénoménal. D'autant plus phénoménal que ce mépris est vécu pour quelque chose de normal, et par celui qui le professe, et par celui qui le subit, celui qui le subit étant appelé certainement à le renvoyer à quelqu'un d'autre le jour où il sera en position de le faire.

Pour moi, il y a un exemple de mépris - il y en a certes des dizaines d'autres - qui est choquant, pour ne pas dire bestial. C'est celui qui consiste par certains agents de la circulation à arracher les plaques d'immatriculation d'un véhicule en possible contravention en l'absence du propriétaire. Pourquoi ne peut-on pas tout simplement mettre en pratique les fiches de contravention comme on le fait partout ailleurs même chez nos voisins dominicains. ? L'État reconnait-il qu'il est dans l'impossibilité de retrouver un citoyen ayant une redevance envers lui ?

Cette histoire vraie a été vécue par une personne bien connue dans notre milieu. Dans le voisinage de l'aéroport, elle stationne sa voiture. Était-elle en contravention, là pour nous n'est pas le débat. Un agent de la circulation arrive et lui arrache sa plaque d'immatriculation et s'en va avec tout simplement.

Cette personne revient, récupère sa voiture et s'en va. Quel citoyen a le réflexe, à chaque fois qu'il récupère sa voiture, de vérifier si sa plaque d'immatriculation est toujours là ? Ce serait totalement stupide, mais il semble, au vu de cette histoire, que cela devrait devenir une précaution dans ce pays ou on persiste ou le vandalisme devient officiel. Cette personne se fait arrêter deux ou trois kilomètres plus loin par un agent de police qui lui signale qu'elle roule sans plaque. Elle, toute ahurie, se rend effectivement compte qu'elle n'a plus de plaque d'immatriculation. Ce policier qui salive de joie pour avoir épinglé une bourgeoise tient mordicus à emmener la pauvre femme au commissariat.

Cette histoire, tout à fait haïtienne, se serait terminée pour cette femme par un séjour en prison sans l'intervention d'un jeune agent de police qui, arrivant sur les lieux, trouve quand même la situation bizarre. Cette femme bien mise, polie, dans une voiture pareille, ne roulerait pas sans plaque d'immatriculation. En plus, le véhicule a bien sur le pare-brise la vignette avec le numéro de la plaque. Cet agent remarque que la voiture a été vandalisée vu la manière dont les vis retenant la plaque ont été endommagées. Il questionne la femme qui lui dit qu'elle était garée à l'aéroport. Ce jeune agent de police revient avec elle au lieu de stationnement et c'est ainsi qu'il arrive à récupérer la plaque d'immatriculation des mains de l'agent qui vient de vandaliser la voiture.

On comprend très bien l'exaspération des agents de police devant la conduite de certains automobilistes qui ne respectent aucune règle du Code de la route. Mais arracher les plaques d'immatriculation d'un véhicule reste une pratique bestiale qui ne devrait pas avoir cours dans un État qui dispose au moins du moyen de retrouver un véhicule et son propriétaire. C'est d'ailleurs la raison de la plaque d'immatriculation qui n'existe pas en tant qu'objet physique, mais seulement pour le numéro qui y est inscrit. Mais le problème, c'est que cet État et ces agents n'ont jamais le réflexe de l'efficacité. C'est toujours l'instinct du prédateur qui ne peut que montrer sa bestialité à n'importe quel moment.
D'ailleurs, tout ce qui se passe maintenant ne fait que prouver le fait que cet État n'a jamais été là pour respecter quoi que ce soit et encore moins pour venir en aide et respecter les citoyens. Certains verront dans cette histoire de plaque arrachée, une affaire banale, futile. C'est vrai que, dans le contexte haïtien d'aujourd'hui, un tel fait est banal et futile. Il devient presque normal. Mais sans sa simplicité, dans sa banalité, dans sa « normalité », il montre bien la médiocrité, la bestialité, le vandalisme de cet État et de beaucoup de ses agents.

Gary Victor

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