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Saint-Marc, non loin des Gonaïves, se prépare à une déferlante de réfugiés

NOUVELOBS.COM 07.09.2008 12:49

Voici un reportage sur la situation en Haïti, qui croule dimanche 7 septembre sous le poids des réfugiés après le passage de l'ouragan Hanna, et avant de faire face au puissant ouragan Ike:

A la lueur des bougies, des dizaines de familles privées de toit par les ouragans s'apprêtent à passer la nuit dans une école transformée en camp de fortune. Ils ne sont que les premiers: Saint-Marc, non loin de la ville ravagée des Gonaïves, attend 2.000 réfugiés.
Au lycée du Bicentenaire, dans cette ville de 60.000 habitants du nord d'Haïti, on a entassé tables et bancs d'écoliers afin de faire place à des matelas pour 200 victimes des intempéries qui ont brutalisé le pays et fait plus de 500 morts, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA).
45 des arrivants viennent de la ville inondée des Gonaïves, à environ 60 kilomètres au nord. Coupés pendant plusieurs jours du reste du pays, privés d'eau et de nourriture, ses 350.000 habitants ont été les plus durement touchés.

"Plus rien à manger"

"L'eau arrivait à cinq mètres de hauteur", raconte Pierre Frantz, 33 ans. "Alors je suis parti avec mes trois enfants, j'ai marché pendant sept heures dans les montagnes" pour fuir, raconte-t-il, collé au tableau noir d'une salle de classe transformée en dortoir, réservé aux hommes.
De l'autre côté, Volette Bienaimée, 35 ans, regarde d'un air absent ses compagnes d'infortune, adolescentes ou mères serrant contre elles leurs nourrissons. Le plus jeune vient d'avoir un mois.
"Il n'y avait plus rien à manger, à boire. On était sur le toit. J'ai tout laissé, je suis partie avec cette robe", soupire-t-elle, en confiant qu'elle "espère retourner là-bas".
Ce retour d'exil risque de prendre du temps. Un nouvel ouragan, Ike, jugé "extrêmement dangereux", devait passer dimanche aux abords de l'île et répandre des pluies torrentielles sur le nord du pays, en alerte rouge.
"On attend encore des gens des Gonaïves", explique Charles Baunars, le maire de la ville de Saint-Marc, qui déplore 12 morts à cause des ouragans. "On m'a dit qu'on allait recevoir 2.000 personnes".
Mais l'abri est temporaire et ne peut accueillir chaque réfugié que "dix jours de suite", avoue Jean Elie Constant, responsable des relations publiques de la protection civile, qui gère le centre avec la Croix-Rouge haïtienne. Et "nous manquons de matelas, de draps", déplore-t-il.

Production ravagée

Matthias Völkner, un jeune Allemand étudiant en médecine, a été dépêché à Saint-Marc par son association Humedica pour apporter kits d'urgence et soins médicaux, faute de pouvoir s'aventurer plus loin au nord. Demain, il viendra en aide aux réfugiés du Lycée du Bicentenaire.
"Tous les villageois sinistrés des alentours ont tendance à converger vers Saint-Marc, qui est entre les Gonaïves et la capitale Port-au-Prince", explique-t-il.
La région se préparait samedi soir aux pluies annoncées dimanche.
Sur la route tropicale, mi-piste mi-goudron, reliant par l'ouest la capitale Port-au-Prince à Saint-Marc, les villageois étaient chargés de jerricanes et de seaux d'eau. En toile de fond, des rivières sorties de leur lit et de grandes étendues d'eau boueuse débordaient sur les rizières, les plantations de bananiers et les champs de maïs.
"Toute la production de riz et d'oignon est ravagée. On va avoir des conséquences lourdes sur le plan alimentaire", s'inquiète le maire de Saint-Marc.
"L'eau commençait à peine à se retirer. On avait enfin accès aux gens des Gonaïves. Cette nouvelle alerte est une très mauvaise nouvelle. La pluie risque de compliquer davantage la situation", renchérit Jean-Pierre Taschereau, coordinateur de la Fédération de la Croix-Rouge en Haïti, en tirant lui aussi la sonnette d'alarme sur le prochain drame menaçant le pays, aux récoltes exsangues: la pénurie alimentaire.

Daphné BENOIT (AFP)

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